Xavier Martzel, aromaticien chez Gaïatrend

Dans le cadre de notre exploration des métiers innovants liés à la vape, nous avons eu l'opportunité d'interviewer Xavier Martzel, Directeur du pôle aromatique au sein du département Recherche et Développement chez Gaïatrend. Il nous explique en détail le rôle crucial de l'aromaticien dans la création des e-liquides et l'évolution de cette profession avec les avancées technologiques.

Xavier Martzel, aromaticien chez Gaïatrend

Découvrez le métier d’aromaticien avec Xavier Martzel, directeur du pôle Aromatique chez Gaïatrend. Entre précision chimique, innovation et créativité, plongez dans les secrets de la conception d’arômes pour la vape.

Parlez-moi de votre travail, un aromaticien de la VAPE, c’est quoi ? En quoi consiste son métier ?

Le métier d’aromaticien, d’une façon générale et comme son nom l’indique consiste à concevoir des arômes. Créer des produits avec des gouts bien spécifiques. Notre cœur de métier consiste à reproduire des saveurs naturelles en composant à partir des molécules.

Chaque molécule existe dans la nature. Elle a un ou plusieurs marqueurs nez et bouche, une odeur, un goût qui lui est propre. En assemblant différentes molécules et en les dosant, on réussit à avoir finalement un assemblage qui forme un tout. Une odeur et un goût caractéristique.

Par exemple, si l’on prend une fraise, elle a une composition chimique qui est assez précise. On sait aujourd’hui reprendre tous ces ingrédients, toutes ces différentes molécules, et on va les assembler, les remettre au bon dosage pour créer un goût de fraise. C’est valable pour absolument tout ce qui existe dans la nature.

Xavier Martzel

Qu’est ce qui a évolué dans le métier d’aromaticien ?

La chimie analytique, la technique d’analyse utilisée pour séparer les constituants de l’échantillon, gazeux ou liquide. Aussi appelé chromatographie. Cela nous a permis de vraiment savoir de quoi était composée chimiquement chaque plante, fleur, fruit, écorce qu’on trouvait dans la nature.

Grâce à cela, ces dernières années, nous avons eu une explosion au niveau des arômes. Nous avons beaucoup appris. Il y a aussi de plus en plus de matières premières disponibles qui nous permettent de faire des assemblages divers et variés.

Quelle est la particularité de l’aromaticien vape ?

Dans le domaine de la cigarette électronique, le rendu sur les molécules aromatisantes en ingestion est parfois différent en vaporisation. Quand le liquide passe sur la résistance, il y a une légère chauffe. Le produit est stressé par la chaleur.

En gros, quand vous cuisinez et que vous chauffez trop fort, certains ingrédients fragiles sont altérés. Dans la cigarette électronique, on a une modification de l’équilibre pour l’intensité de notre molécule. Le goût qu’on est censé avoir n’est pas forcément celui qu’on va avoir. Si je fais un arôme de fraise à ingérer pour faire un liquide à la fraise, il risque de ne pas du tout d’avoir le même goût parce qu’il va ressortir différemment. Certaines molécules réagissent plus ou moins bien à la chauffe, et entrainent un déséquilibre dans la recette.

Je pense qu’aujourd’hui, créer un arôme à inhaler, est vraiment une spécialisation à part dans le métier d’aromaticien. Cela nécessite de reprendre quasiment toutes les bases de données à zéro.

Chez Gaïatrend, nous avons dû recréer notre propre base de données. J’ai passé en inhalation toutes les molécules de grade alimentaire qui existent et on a rerempli le tableau.

L’élaboration de nouveaux liquides demande un savoir-faire en vue de maintenir un équilibre entre les différentes molécules, c’est ça ?

Oui. Le problème d’aujourd’hui dans la cigarette électronique, c’est que beaucoup de sociétés ont un mixologue. C’est une personne qui n’a absolument pas de bagage en chimie et qui va juste mélanger les aromes déjà conçus. En tant qu’aromaticien, nous allons recréer chaque saveur et cela va se ressentir à l’utilisation.

Chaque molécule a un goût et une substance spécifique, on va alors parler d’équilibre des molécules aromatisante, une puissance propre, et cela nécessite un équilibrage précis et donc une formule complète. Un mixologue ne pourra jamais gommer les imperfections de ces arômes.

Pourquoi avez-vous décidé de devenir aromaticien ?

Parti sur cursus de biologie, on a créé Gaïatrend en 2008, nous nous sommes heurtés à la problématique de la création de liquide qui est la pierre angulaire de notre activité. On ne pouvait pas laisser faire par un tiers. Avec mon frère nous avons décidé de nous répartir les tâches. Olivier -mon frère- s’occupe de la partie industrielle, et moi de la partie scientifique. J’ai donc basculé mon cursus en chimie avec une licence en arome alimentaire et ensuite j’ai validé ma formation en aromaticien en faisant un master 2 de Manager des process de création et de développement des produits parfum, cosmétique ou arômes.

Quelles sont les qualités d’un bon aromaticien ?

Il faut un bagage en chimie. Car on travaille avec un référentiel de différentes molécules. Notre travail est d’assimiler l’odeur et la saveur de toutes ses molécules. C’est un métier qui nécessite des savoirs et une amélioration constante, avec un apprentissage continu. En termes de molécule aromatique on a un catalogue de 1500/2000 références différentes sans parler des extraits naturels qui sont eux plusieurs milliers.

Les étapes d’élaboration d’un nouveau liquide ? Comment se passe le processus de création d’un nouvel arome ?

Tout dépend si on essaye de créer un mono (saveur unique) ou un assemblage. Par exemple, les arômes de pomme ont une composition chimique. Cela va varier en fonction de la variété de pomme.

Ensuite, on utilise un orgue, l’outil de travail des parfumeurs et des aromaticiens. Grâce à lui, nous avons à porter de main les matières premières les plus utilisées. Il s’agit d’un grand plan de travail avec une dalle en marbre au centre pour poser la balance de précision et de par et d’autres des étagères de flacons contenant molécules ou extrait naturel. Ici, nous disposons d’un immense orgue avec une capacité de 700/800 flacons (cf photo).

Elaborons une Granny Smith

OK, pour cela, je vais sélectionner une trentaine de molécule et en fonction de la puissance de chaque molécule on va doser et faire un arôme. Ensuite on le test en inhalation, on vérifie l’équilibre pour voir quelle molécule est sur ou sous dosée. On répète le processus. On adapte la formule jusqu’au résultat final.

Vous créez des produits en fonctions de vos découvertes/créations ou selon un plan marketing imposé ?

Les idées vont forcement venir du labo. Mais le marketing et le commerce peuvent en soumettre aussi. Si certaines demandes clients se répètent, évidemment, on va se diriger vers leurs besoins.

Le marketing va plutôt travailler sur la veille et les tendances du marché. Mais il reste porteur de propositions. Le mot final c’est le panel. Si cela ne lui plait pas, le produit est rayé d’office.

Comment faites-vous pour vous différencier de la concurrence ?

On fait mieux (dit il en rigolant). Comme le métier évolue en permanence car des nouvelles molécules arrivent sur le marché chaque année, on se différencie dans notre façon d’aborder ces nouveautés.

Moine alchimiste inconnu

Peut-on parler d’innovation dans votre domaine ? Pas seulement en termes d’arome mais aussi par rapport aux outils que vous utilisez pour les créer ? (IA/Machines)

Surtout sur la partie analytique. Les machines d’analyses évoluent beaucoup et deviennent de plus en plus précises. Notre dernier investissement s’est porté sur une chromatographie à haute résolution qui nous permet d’identifier les molécules grâce à leur masse atomique. C’est extrêmement précis.

Etudiez-vous la concurrence ? Quel produit sur le marché auriez-vous aimé créer ?

Depuis quelques années il n’y a plus de réelle création. En termes de mono saveur ou combinaison si on prend la concurrence internationale, cela fait longtemps qu’on a déjà tout fait. De nos jours, nous étudions le perfectionnement des saveurs existantes.

Avez-vous des anecdotes sur votre métier ?

En 2012, Sur la gamme urban fusion, on voulait faire voyager les gens et donc créer des produits en fonction d’une région, d’une ville. On a élaboré « Fort de France », un accord entre fraise et acérola (cerise des Antilles). Un produit qui nécessite une quarantaine de molécules. Sur une pesée, je me suis complétement loupé en surdosant une des molécules. On a décidé de finir et de gouter la formule malgré tout et le résultat c’est avéré bien plus intéressant. Un liquide naquit d’une erreur.

Pourquoi les arômes salés ne plaisent pas et l’umami est-il reproduisible en liquide ?

Parce que c’est Ecœurant. On ne travaille pas avec tous les marqueurs primaires : sucré/salé/acide/amer/umami. Le salé par exemple. Et comme l’umami est en même temps sucré et salé, on évite ce marqueur.

 

« Dans la vie, tout est une question d’équilibre, dans le domaine de la vape, c’est pareil… »

Moine bouddhiste inconnu