Vers une présidence allemande de l’UE antivape ?

Le 1er juillet, l’Allemagne héritera de la présidence du Conseil de l’Union européenne pour six mois. Daniela Ludwig, la commissaire fédérale aux drogues outre-Rhin, y voit « l’opportunité » d’exposer sa position farouchement opposée aux e-cigarettes. Le spectre d’une interdiction généralisée des e-liquides aromatisés inquiète les associations.

Vers une présidence allemande de l’UE antivape ?

Depuis 2009, la présidence du Conseil de l’Union européenne est assurée à tour de rôle par chacun de ses 27 États membres, pour une période de six mois. Après la Croatie au premier semestre 2020, c’est l’Allemagne qui héritera de ce rôle du 1er juillet au 31 décembre. Outre la conduite des débats, il lui incombera l’organisation d’un programme et de questions à traiter.

« Les saveurs fruitées ne sont pas du tout faites pour les fumeurs »

Ses différents ministères interviendront directement à chaque conseil dédié : les questions de santé seront ainsi exposées par son ministre de la Santé, auquel est rattachée la commissaire fédérale aux drogues Daniela Ludwig (photo). Actuellement en première ligne dans le débat national autour de l’interdiction de la publicité pour le tabac, cette dernière entend bien profiter de la présidence pour soumettre « des règles encore plus strictes » sur l’e-cigarette. « Nous avons l’opportunité d’évoquer le sujet avec tous les autres pays. Je suis en train de préparer un catalogue de mesures pour les e-cigarettes, affirme-t-elle. Les règles sur la taxation et les ingrédients devraient notamment être standardisées. »

Interrogée par le quotidien Die Welt le 25 mai dernier, Daniela Ludwig a indiqué qu’elle désirait « réglementer davantage les cigarettes électroniques » en Allemagne, en particulier autour de la vente d’e-liquides aromatisés. « Nous allons faire avancer le règlement, déclare-t-elle, il doit être clairement établi que les cigarettes électroniques sont tout aussi addictives [que les cigarettes combustibles] et qu’elles contiennent également des polluants. Les saveurs fruitées dans les liquides plaisent aux jeunes, mais elles ne sont pas du tout faites pour les fumeurs. Je vois un besoin d’action à ce niveau. »

Une position « naïve et irréfléchie » selon les associations

Interdire les e-liquides arômatisés serait pourtant une grave erreur de jugement selon une récente étude américaine. Deux chercheuses de l’Université de Yale ont en effet démontré que les saveurs fruitées multiplieraient par 2,3 les chances d’arrêter la cigarette par rapport aux goûts tabac.

L’European Tobacco Harm Reduction Advocates, qui regroupe 21 associations européennes provape, s’inquiète d’une telle perspective. « Nous sommes préoccupés par le risque d’endommagement des politiques que la présidence allemande pourrait faire peser sur les vapoteurs des États membres de l’UE, affirme l’Ethra, et nous espérons qu’elle utilisera judicieusement son mandat au lieu d’instaurer une réglementation naïve et irréfléchie sur le continent. »

Les associations provape restent invitées à la table du réexamen de la TPD

Daniela Ludwig défend sa position alors que plusieurs experts scientifiques allemands l’ont déjà informée sur le potentiel de l’e-cigarette dans sa lutte contre le tabagisme. C’est notamment le cas de l’Institut de recherche sur les addictions de l’Université de sciences appliquées de Francfort, qui a mené une vaste enquête sur le sujet. « Les chances d’amélioration de la santé par la cigarette électronique pour les fumeurs sont largement sous-estimées par les pouvoirs publics, écrivent les rapporteurs. En passant aux cigarettes électroniques, les fumeurs réduisent leur apport en polluants de 95 %. Les chances qu’offre la cigarette électronique pour arrêter de fumer doivent déterminer la future politique de santé publique. »

Et pourtant, la commissaire allemande l’a indiqué dans une interview au Süddeutsche Zeitung, le 5 novembre 2019, réfutant le rôle de substitut que les experts scientifiques lui atrribuent : « La cigarette électronique n’est pas un produit de bien-être. » « Il est décevant que madame Ludwig souhaite appliquer la politique défaillante de l’Allemagne à l’ensemble de l’Europe, explique Hendrik Broxtermann de l’association ExRaucher. Nous devrions plutôt améliorer la réglementation européenne en libéralisant certains domaines, et non en imposant davantage de restrictions qui ne protègeront en définitive que l’industrie du tabac. »

Pour rappel, l’Ethra sera invité à la table du prochain réexamen de la directive sur les produits du tabac (TPD). Et le regroupement d’associations entend bien faire entendre la voix des vapoteurs européens.

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