TPD : le vapotage risque de prendre SCHEER !

Dans le cadre du réexamen de la directive européenne sur les produits du tabac (TPD), la Commission européenne a mandaté des experts scientifiques pour établir un rapport sur la vape. Le fruit de leurs recherches, à travers un document de 117 pages, présente des conclusions qui laissent entrevoir un durcissement de la législation.

TPD : le vapotage risque de prendre SCHEER !

La TPD (Tobacco Products Directive, directive européenne sur les produits du tabac) encadre « la fabrication, la présentation et la vente du tabac et de ses produits dérivés », dont les produits de vapotage. Elle est appliquée en France à travers l’ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016.

Selon l’article 28, un « rapport sur [son] application doit être établi au plus tard le 20 mai 2021 […] à la lumière des avancées scientifiques et techniques […] et de l’évolution du marché des cigarettes électroniques ». Outre la consultation des représentants des États membres, des experts scientifiques ont donc été mandatés pour éclairer la Commission quant à la révision de la TPD.

C’est le rôle du SCHEER (Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks), qui a rendu son verdict à travers un document de 117 pages. Ses dix auteurs affirment avoir étudié « toute la littérature scientifique se rapportant au vapotage et publiée entre janvier 2015 et avril 2019, ainsi que les rapports d’autres organisations ».

Premier aspect discutable, le SCHEER reconnaît que « de nombreuses études publiées sur le sujet s’appuient sur des données provenant des États-Unis » et que « les produits américains sont susceptibles de différer considérablement de ceux commercialisés en Europe, et donc que les conclusions tirées de l’expérience américaine ne sont peut-être pas transférables directement à l’Union européenne ». Pourtant, certaines de ses conclusions vont dans le même sens que les mesures restrictives adoptées dans certains États. Revue de détail.

L’e-cigarette en tant que solution de substitution

Selon le SCHEER, le nombre de fumeurs, en Europe, ayant essayé d’arrêter de fumer sans l’assistance d’un médecin ou d’un professionnel de santé « a augmenté au cours des dernières années, passant de 70,3 % en 2012 à 74,8 % en 2017 ». En parallèle, le nombre de personnes ayant essayé la vape pour arrêter la cigarette a augmenté, passant de 3,7 % à 9,7 % au cours de la même période.

À l’inverse, le SCHEER souligne une diminution du nombre de personnes privilégiant les autres méthodes de sevrage tabagique (patch, gomme nicotinique…). Cette part est passée de 14,6 % à 7,5 %, toujours au cours de la même période. Il y a donc un véritable engouement pour l’e-cigarette, même s’il varie très largement d’un pays européen à l’autre – seuls 5 % des Espagnols y ont recours, contre 51,6 % des Britanniques. 

Le SCHEER précise que « s’il existe des preuves selon lesquelles l’e-cigarette aide à arrêter de fumer, celles-ci sont limitées en raison du nombre trop restreint d’études ». On retrouve pourtant plusieurs études très complètes à ce sujet, notamment celle d’une équipe canadienne qui a montré que l’on avait 2,4 fois plus de chances d’arrêter définitivement la cigarette grâce à la vape. Une étude clinique, menée sur un échantillon vraiment large et représentatif.

Des arômes efficaces mais des arômes diabolisés

On le sait, les e-liquides aromatisés sont très controversés et largement perçus par les gouvernants comme une porte d’entrée vers le tabagisme chez les plus jeunes. C’est le fameux « effet passerelle », une théorie pourtant remise en cause par de nombreux experts scientifiques. Selon ces derniers, s’ils sont souvent présentés comme plus attractifs, les e-liquides aromatisés seraient aussi plus efficaces dans un processus de sevrage. Les vapoteurs qui les utilisent auraient ainsi 2,3 fois plus de chances d’aboutir à un arrêt du tabagisme  qu’avec les seuls goûts tabac. 

On le doit probablement aux sources américaines privilégiées par le SCHEER, mais les experts de la Commission européenne retiennent surtout qu’il existe « de fortes preuves que les arômes attirent autant les adultes que les jeunes dans le vapotage ». Et qu’ils provoquent « une impression de diminution des risques ». Ils concluent que « les arômes seraient la principale raison pour laquelle les jeunes souhaitent essayer le vapotage ».

Les effets de la cigarette électronique sur la santé

C’est évidemment le point crucial du rapport du SCHEER : quels effets l’e-cigarette produit-elle sur la santé ? Concluant que « ses effets seraient incertains en raison du manque d’études à long terme », le comité scientifique se range toutefois à l’avis de l’OMS, qu’il cite, indiquant que « vapoter pourrait être moins nocif que fumer » mais que les e-cigarettes demeurent « dangereuses pour la santé ».

En détail, le comité scientifique mandaté par la Commission européenne livre les conclusions suivantes : 

  • les risques pour l’irritation des voies respiratoires sont modérés pour les gros utilisateurs de cigarettes électroniques, en raison de leur exposition aux polyols, aldéhydes et à la nicotine. Et ils ne sont pas à exclure pour les utilisateurs moyens et légers ;
  • les risques d’effets systémiques à long terme pour le système cardiovasculaire sont importants ;
  • les risques de cancérogénicité des voies respiratoires dus à une exposition cumulative à long terme aux nitrosamines et à une exposition à l’acétaldéhyde et au formaldéhyde sont faibles à modérés ;
  • les risques d’effets indésirables, en particulier la cancérogénicité, dus aux métaux dans les aérosols sont faibles ;
  • les risques d’empoisonnement et de blessures dus aux brûlures et aux explosions sont importants, mais leur incidence est faible ;
  • les risques d’autres effets néfastes à long terme sur la santé, tels que les maladies pulmonaires, le SNC et les effets reprotoxiques, plausibles sur la base de l’identification des dangers et des preuves humaines limitées, ne peuvent être établis en raison du manque de données cohérentes ;
  • à ce jour, il n’y a pas de données spécifiques selon lesquelles des arômes spécifiques utilisés dans l’UE présentent des risques pour la santé des utilisateurs de cigarettes électroniques après une exposition répétée (mais peuvent accroître leur attractivité) ;
  • il existe de fortes preuves que les cigarettes électroniques constituent une porte d’entrée vers le tabagisme chez les jeunes. Il y a également de fortes preuves que la nicotine des e-liquides est impliquée dans le développement d’une addiction et que que les e-liquides aromatisés présentent un aspect attractif pour débuter l’e-cigarette ;
  • les preuves de l’efficacité des cigarettes électroniques dans l’arrêt du tabagisme traditionnel sont faibles, et elles sont faibles à modérées concernant la réduction du tabagisme.

Citées ici in extenso, ces conclusions officielles font froid dans le dos. Elles dressent en effet un portrait très sombre de l’e-cigarette, alors que l’on pourrait mettre en avant d’autres études scientifiques soulignant les bénéfices de la cigarette électronique. Ce sont pourtant ces conclusions que la Commission européenne va retenir dans le cadre de la révision de la TPD, qui sera ensuite déclinée à chaque État membre. Plus que jamais, on peut donc craindre un durcissement de la législation.

 

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