Déjà dans le collimateur de la Food & Drug Administration (FDA), Juul avait décidé, en novembre 2018, de retirer ses pods aromatisés aux États-Unis. Exit les saveurs mangue, crème brûlée, mélange de fruits et concombre : seuls les pods aux goûts tabac, menthol et menthe demeuraient encore dans les présentoirs des revendeurs américains.
Un rapide retour des volumes de ventes
L’American Cancer Society (ACS), une organisation à but non lucratif luttant depuis 1913 contre le cancer aux États-Unis, s’est penchée sur les chiffres de vente du marché de l’e-cigarette entre janvier 2015 et octobre 2019. Selon son analyse, les adeptes des pods aromatisés se seraient rapidement reportés vers les autres saveurs. À tel point qu’en à peine douze semaines, Juul dépassait déjà ses résultats financiers précédents.
En janvier 2017, les e-liquides et pods aromatisés représentaient 12,9 % du marché de l’e-cigarette aux États-Unis, soit 10,2 millions de dollars par mois. Un mois avant leur retrait par Juul, en octobre 2018, ils atteignaient 33,3 % des ventes, pour 96,5 millions de dollars mensuels. Ils figuraient alors en tête, devançant largement les saveurs tabac, passées, elles, de 39,7 % à 16,6 % au cours de la même période.
Après le retrait des pods aromatisés par Juul, le marché de ce type d’e-liquides a baissé à 9,1 % en avril 2019 (30,5 millions de dollars), essentiellement entretenu par son concurrent NJoy. À l’inverse, la part de marché des e-liquides menthol/menthe est passée de 33 % à 62,5 % (de 95,6 à 209,6 millions de dollars mensuels), et celle des arômes tabac de 16,6 % à 22,3 % (de 48 à 74,8 millions de dollars mensuels).
La consommation des jeunes n’aurait pas diminué
Si Juul avait pris une telle décision parce qu’on l’accusait de rendre les mineurs accros à la nicotine et de créer un « effet passerelle » vers la cigarette, ce report démontrerait un impact très limité pour la santé publique, selon l’ACS.
« Il y a deux leçons à tirer de cette étude, indique Alex Liber, rapporteur auprès de l’American Cancer Society. Premièrement, les tentatives des entreprises de s’imposer elles-mêmes leurs propres restrictions sont peu susceptibles d’améliorer la santé publique. Le retrait par Juul des produits aromatisés a rapidement été compensé par l’augmentation des ventes des e-liquides concurrents mais aussi par les ventes accrues des autres arômes, en particulier menthe/menthol, de Juul. Il est très peu probable que la consommation globale des jeunes ait diminué, étant donné l’impact de courte durée sur les tendances de vente des pods de Juul. »
L’ACS appelle donc à réfléchir à d’autres méthodes pour lutter efficacement contre la consommation des jeunes. En particulier, elle constate qu’il y a eu des « failles » dans le dispositif. « Notre étude montre que lorsque des exceptions aux politiques réglementaires sont appliquées, le marché comble le vide. La croissance des ventes d’e-liquides aromatisés de NJoy après que Juul a cessé de vendre ses pods fruités en est une illustration frappante. Si les gouvernements interdisent les arômes de certains types d’e-cigarettes et pas d’autres – par exemple, s’ils exemptent les cigarettes électroniques jetables ou les systèmes ouverts de ces interdictions -, nous pouvons nous attendre à ce que la demande des consommateurs migre vers ce type de produits », conclut le rapporteur.
Pour rappel, la FDA devait à l’origine interdire tous les produits n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché ou PMTA à partir du 12 mai 2020. En raison de l’épidémie de coronavirus, qui a notamment « paralysé » les laboratoires chargés d’analyser les e-liquides, le délai est désormais fixé au 9 septembre prochain.