Norbert Tarayre : retour d’expérience de Vap’chef

Le Vap'chef est un concours culinaire organisé durant le Vapexpo 2024, salon international dédié à la cigarette électronique et aux produits de vapotage. Ce concours met en avant les talents des mixologues, experts en création de nouvelles saveurs et mélanges pour les e-liquides. Les participants devaient créer la recette de la tarte Namelaka élaborée par le chef Norbert Tarayre, évaluée par un panel d'experts de l'industrie. À cette occasion, la rédaction d’e-Cig mag a réalisé une interview croisée avec le Chef de cette première édition et SWOKE (Yacine Ammar & Aurélien Durand), les grands gagnants. Cette rencontre explore l'expérience de Norbert en tant que juge ainsi que les perspectives d’évolution entre la cuisine et le vapotage. Entre passion et création, voici l’interview gourmande d’un véritable enthousiaste de la vape.

Norbert Tarayre : retour d’expérience de Vap’chef

Le Vap’chef est un concours culinaire organisé durant le Vapexpo 2024, salon international dédié à la cigarette électronique et aux produits de vapotage. Ce concours met en avant les talents des mixologues, experts en création de nouvelles saveurs et mélanges pour les e-liquides. Interview de Norbert Tarayre :

La team

 

On peut commencer par ton expérience personnelle, tu vapes ?

Oui, j’adore ça ! J’y suis venu car je voulais réduire ma consommation de nicotine. J’en avais marre de sentir le tabac de toutes les façons possibles et inimaginables. Même dans mon entourage, sans fumer à la maison, ma famille n’en pouvait plus. Du coup, avec le vapotage, j’avais trouvé une alternative sympa que je pouvais utiliser n’importe où, sans contrainte, et cela m’apportait une autre source de plaisir basée sur le goût, le geste. C’est aussi et surtout un style. Aujourd’hui, tout le monde vape, c’est quasiment devenu un art de vivre. Tu peux rester à ta table, tirer quelques bouffées, demander autour de toi des liquides que tu ne connais pas pour tester. Le côté convivial me plait beaucoup.

Et en termes de prix rien à voir…

Eh oui. Les clopes, c’est 12 balles. Si t’es en rade, tu peux demander quelques gouttes autour de toi pour la journée et cela ne coûte rien. Il y a un côté famille que je trouve sympa.

Tu vapes quoi généralement, quelles sont les produits que tu aimes ?

Quand j’ai démarré, beaucoup de fruits. Très agrumes. J’aimais beaucoup la passion et la mangue. La noix de coco aussi. La vanille a petite dose car c’est une saveur assez grasse, comme en cuisine ou en parfumerie d’ailleurs. J’aime aussi fleur de sureau, fleur du dragon. J’aime tous les mélanges assez travaillés.

Et dans les mélanges ?

Dans les mélanges, j’aime les avancées qui sont faites, notamment chez SWOKE qui fait très attention aux mélanges des arômes et à la composition des produits. Il y a 7 ans, on n’avait pas ce niveau de professionnalisme. On pouvait tomber sur des liquides mal dosés qui encrassaient, irrités. L’esprit passionnel de la vape contribue à la création de liquides pointus. Presque à un niveau œnologique.

Je suis moi-même devenu assez exigeant. Je n’aime pas acheter un produit chez un revendeur quelconque qui vend des produits vapes parce qu’il doit en avoir. Même pour dépanner c’est appréciable d’avoir des liquides bien confectionnés.

Il y a des similitudes entre le monde de la cuisine et la vape ?

La cuisine, c’est plusieurs univers. On a la cuisine traditionnelle, végétalisée, veggie, japonisante, de toutes origines et d’horizons divers. C’est un monde de fusion. Par le passé, j’ai beaucoup travaillé avec les arômes tels que la guimauve, la fleur d’oranger, l’eau de rose, la fraise. Avec la vape, on arrive à un croisement des sensations. Dès que tu relâches la fumée, tout l’arôme se libère et va embaumer tes sens et ton environnement. C’est super agréable, et en cuisine c’est pareil, ce sont les effluves que cela génère qui m’intéresse.

Qu’est-ce qui t’a motivé à accepter le rôle de juge pour le concours Vap’chef 2024 au Vapexpo ?

Quand Patrick (NDLR : Bedué, le taulier du salon), m’a appelé pour me lancer ce défi, je trouvais dingue de retranscrire quelque chose de virtuel, éphémère, avec quelque chose de physique, purement gustatif. Au niveau culinaire, l’odeur intervient en premier et les papilles gustatives prennent le relais. Ce qui génial avec la vape, c’est l’olfactif et cela peut se marier avec un plat gustativement présent.

Peux-tu nous parler de l’expérience de juge lors d’un concours de création d’e-liquides par rapport à tes expériences habituelles en cuisine ?

Le défi était passionnant. L’idée de tester tous ces assembleurs, créateurs, aromaticiens, passionnés de vape en leur disant de travailler sur un produit physique pour le transcender en quelque chose d’olfactif, me fascinais. Presque comme un métier de parfumeur. En plus, le côté sucré, gourmandise, rassurant de la vape procure une bonne ambiance au challenge.

En tant que chef cuisinier, quels parallèles peux-tu établir entre la création de plats et la création d’e-liquides ?

J’en parlais avec SWOKE ce matin. Je trouverais ça dingue de faire un restaurant où tu peux amener des arômes comme le poivron, la courgette, le concombre (qui s’apparente aux cucurbitacées mais aussi à la pastèque et au melon) et faire des accords avec des restaurateurs. Aujourd’hui, la France n’est pas assez ouverte à ces nouveaux concepts. Imaginez par exemple servir une bonne salade de concombre et de tirer ensuite sur de la menthe.

Labo SWOKE

Certaines personnes pourront retrouver aussi des saveurs perdues pour raisons médicales…

Il y aussi un développement positif à creuser pour apporter du sucré à des gens diabétiques ou des gens allergiques par rapport à certains produits bruts. Certaines molécules peuvent être retirées d’un composant. Imagine les gens allergiques au gluten, les saveurs qu’ils pourraient retrouver sans risquer leur vie. Pour une tarte citron meringuée, tu peux proposer un dessert complétement dépourvu de gluten et rajouter les saveurs manquantes au niveau vape, pour ainsi assembler au niveau des sens les gout tarte/pate. C’est passionnant d’avoir un produit ou un concept inspirant à développer.

Quels étaient les critères principaux que tu as utilisés pour évaluer les créations des participants ?

Avec Patrick, on voulait partir d’une recette. J’ai donc élaboré ma recette de la tarte Namelaka, avec tous les ingrédients et composants. Nous avons envoyé le tout dans un laboratoire pour savoir si l’assemblage était possible. Envoyer un plat dans un laboratoire pour recréer les arômes et les saveurs, c’était nouveau pour moi, retrouver un goût à partir d’une reconstitution moléculaire, C’est fascinant. Certains produits m’ont été prohibé car ils n’étaient pas re-constituables en synthèse mais pour une grande partie c’était jouable.

Ca parle avec passion

Qu’est-ce qui t’as le plus impressionné ?

Ce ne sont pas juste des aromaticiens. Il faut avoir un palet. Pour reproduire la tarte, il fallait reconnaitre le Sésame noir, le matcha, le yuzu, la pistache, de la fève de tonca, bref, tout un éventail de saveurs. Ce qui ma interloqué, c’est cette faculté à décoder, décrypter ce qu’ils mangeaient. Le nez c’est un point de vue, les papilles gustatives s’en est un autre. Décoder le schéma de la tarte était impressionnant.

En terme de dosage, les participants ont eu flair ?

Certains étaient à côté de la plaque car le dosage est important. Composer un liquide nécessite un dosage où la cohérence est la synthèse de la recette. Comme dans un assaisonnement. Parfois, je rajoute du curry dans mes plats mais on ne le sens pas. Par contre, l’additionner avec du curcuma, du gingembre, de l’ail, donne un nouvel arôme. Chez SWOKE, ils ont bien compris que c’est la somme des goûts équilibrés qui devait faire ressortir le goût de la tarte.

On n’en revient toujours à l’équilibre…

Eh oui. Parfois, quand on parle d’un liquide goût tarte par exemple, on ressent un arôme trop présent de pate cuite. Quand on mange une tarte, on doit avoir l’essence de ce qui la compose. Je ne parle pas de consistance. Pour une tarte citron meringuée, le gout sucré de la meringue vient s’écraser pour faire ressortir le côté acide et puissant du citron. Malheureusement, certains tombent dans le piège et mettent trop de sucre dans la crème citron ce qui va rendre le fruit faible. Quand on fait de la pâtisserie, il faut comprendre ce que l’on élabore. Lors de l’assemblage des liquides c’est pareil, le résultat doit correspondre à l’idée originelle. Je me souviens rarement du gout de la pate mais s’il vient écraser les saveurs des fruits et de la meringue, c’est raté. En bref, quand on crée un liquide tarte citron meringuée, c’est le citron et la meringue qui doivent faire décoller les sens, pas le côté biscuit/sablé.

Quelle a été ton impression générale de l’événement Vapexpo et de l’ambiance qui y régnait ? Comment vois-tu l’évolution de l’industrie du vapotage à travers le salon ?

C’était quand même énorme. Je n’ai jamais vu des stands aussi beaux et pourtant je fais de la télévision depuis 13 ans avec mon lot de visites d’événements immenses, de foires diverses en France et en Europe. J’ai été impressionné par les stands de VAPEXPO. C’était lunaire, on était à Las Vegas. Il y avait des bons DJ’s, le premier étage de la tour Eiffel reproduit (entre autres) et surtout un esprit vape omniprésent qui regroupe différentes cultures pop et musicales, gaming/geek et autres. L’univers est multiple tout en restant cohérent dans un esprit détente. Bon délire.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimerait passer le cap de la vape ?

Tous les jours, j’entends des gens hésiter. Il faut juste se dire que la vape, c’est la liberté. Une dose de plaisir à porter de main. Essayer la vape c’est une rencontre. J’en ai essayé plusieurs. Il ne faut pas appréhender le matériel ou avoir peur de l’objet car cela s’apprend vite. Finalement, c’est comme l’entretien d’une voiture. Tu ne pars pas sans essence. Tu t’organises un peu en amont. Comme un tamagotchi : il faut l’alimenter, s’en occuper, le nettoyer, faire attention à la résistance, aux joins, etc. Très vite tu prendras du plaisir à le démonter, le cleaner. C’est aussi ça la vape, une forme de Hobby. Mais il y aussi des produits plus simples, très facile d’emploi si tu n’as pas envie de te prendre la tête.

La team SWOKE & Norbert

Penses-tu que des collaborations entre chefs cuisiniers et créateurs d’e-liquides pourraient voir le jour à l’avenir ? Si oui, sous quelle forme ?

On me l’a demandé il y a quelques années. Au début de la vape, Il y avait un éventail d’arômes, et je devais créer des desserts, des cocktails mais j’ai été bloqué par ma chaine (de télévision). Il y a un futur pour ça. Mais il faut informer les gens et avoir l’état d’esprit qui va avec.

SWOKE : point important à mettre au crédit en plus du Vapexpo. Une initiative comme Vap’chef met l’accent sur la création aromatique. La vape n’est pas qu’un substitut nicotineux, c’est aussi un espace de création. Le fait qu’un mec comme Norbert vienne apporter son expérience de cuisinier, sa dimension, sa signature, souligne cela au grand public et aux autorités.

Vous pouvez commercialiser cet e-liquide signature, tiré de la fameuse recette gagnante. Où en est la production ? Ce nouveau liquide arrivera quand sur le marché ?

On a récupéré la recette. Elle a été mise au point, goutée, contrôlée et validée. Le but de la collaboration est de durer dans le temps et mon objectif est de démontrer que la vape fait partie intégrante de la cuisine et vice versa. On ne peut pas snober la vape car elle utilise les mêmes arômes travaillés dans notre métier de cuisinier/pâtissier.

Même si on ne fait pas encore du salé, la création touche divers univers du goût et de la table. Les bartenders, les baristas, le café, les boissons, etc. C’est une évolution logique.

SWOKE : il sort en septembre. Norbert est là pour tester la recette finale. Pour l’anecdote, on a essayé d’améliorer ce que l’on avait proposé lors du salon, en modifiant des petites touches, en faisant des petites variantes et de toutes les versions, c’est toujours celle live du salon qui est préférée.

A quel niveau tu interviens dans le processus de création du produit ?

Je pars du principe que je suis novice. Une fois que les juicemakers ont fait leur travail, je goute et je valide. Si la fraicheur et les saveurs sont là, tout va bien. Ce sont des professionnels dans ce milieu et il faut respecter cela. Ils savent ce qui plait, ils ont un palet et une connaissance des attentes.

La question que je me pose est qu’est-ce que je ressens ? Namelaka veut dire très crémeux en japonais. Si le pari est réussi, on fonce. Après je donne aussi mon avis sur le produit fini, le conditionnement, etc.

Tu seras au prochain Vapexpo ?

On s’est vu avec Patrick il y a un mois. Je serai très heureux de repartir dans un défi comme celui-là. C’est sur la bonnes voie.

Des nouvelles idées ?

Oui, pourquoi pas. Il y a différents types de concours à réfléchir. Ce serait amusant de tenter des trucs. Par exemple, des assemblages avec de la confiserie, de la glacerie. Il faut savoir que le froid paralyse les arômes. Pourquoi ne pas travailler sur un thème chaud et froid : sorbet + vape ? J’aimerais aussi travailler sur l’alcool. Dans la catégorie rhum par exemple, tu trouves des produits incroyables. Je vais m’acheter un petit alambic et commencer à faire mes eaux en mode chimiste. Je fais ma décoction et c’est parti. J’ai déjà réalisé une eau au chocolat. Et pourquoi pas un château Yquem à vaper ?

Yacine Ammar & Aurélien Durand (SWOKE) vous allez remettre la ceinture en jeu l’année prochaine ?

On est obligé (sourire) et en plus c’est sympa, ludique et bonne ambiance. Content d’avoir gagné évidemment mais on s’est amusé à le faire.