Les Plantes de Tomine : le BIO avec du goût

Installée entre le Roannais et le Beaujolais, la ferme Les Plantes de Tomine cultive l’amour de la terre depuis 1939. Autrefois royaume des bovins charolais, elle a troqué le meuglement des vaches pour le bruissement du chanvre sous la brise. Sous l'impulsion de Thomas Muzelle et de sa compagne Camille, cette exploitation familiale a pris un virage verdoyant pour se spécialiser dans la culture du CBD en Agriculture Biologique. Ici, pas de mystère : traçabilité et transparence sont au rendez-vous, avec un savoir-faire qui sent bon la chlorophylle et l’authenticité.

Les Plantes de Tomine : le BIO avec du goût

Camille, peux-tu nous raconter brièvement l’histoire de votre ferme et votre passage à la culture du chanvre ?

La ferme appartenait aux grands-parents de Thomas, qui pratiquaient une agriculture diversifiée avec des vaches, des moutons et des poules. Ses parents ont ensuite repris l’exploitation, en se concentrant sur l’élevage bovin, une activité typique des années 80. Mais en arrivant à l’âge de la retraite, la question s’est posée : que faire de cette exploitation ?

De notre côté, ni Thomas ni moi n’étions agriculteurs à l’origine. Avant ce projet, nous étions dans des domaines complètement différents : Thomas travaillait en biologie, avec un fort intérêt pour l’écologie, tandis que j’étais dans le tourisme. Nous avions cette volonté de nous engager dans un projet durable et écologique, tout en gardant une certaine autonomie dans nos choix. En 2020, nous avons eu une première expérience en travaillant pour un autre producteur, et c’est à ce moment-là que nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas le faire pour nous ? » Thomas était déjà passionné par cette plante.

Nous avions des terrains parfaitement adaptés à cette culture et les connaissances de base pour nous lancer. En 2021, le contexte devenait un peu plus favorable, alors nous avons décidé de sauter le pas. À l’origine, nous voulions diversifier nos activités en conservant l’élevage bovin tout en introduisant la culture du chanvre et des plantes aromatiques et médicinales. Aujourd’hui, après cinq ans d’installation, nous avons une vision plus claire de nos objectifs : le chanvre est devenu notre priorité, et nous nous dirigeons vers l’abandon progressif de l’élevage ainsi qu’une réduction de la production de plantes aromatiques.

 

Un peu de verdure dans ce monde de fou

 

D’où vient le nom « Les Plantes de Tomine » ?

Nous voulions un nom au pluriel pour refléter la diversité de nos cultures. Au départ, nous produisions non seulement du chanvre, mais aussi plusieurs autres plantes. « Tomine » est une contraction des prénoms Thomas, mon mari, et Jocelyne, sa mère, qui était associée avec nous au lancement du projet.

Qu’est-ce qui distingue Les Plantes de Tomine des autres acteurs du marché du CBD ?

Notre principale spécificité est que l’ensemble des produits que nous proposons contiennent du CBD issu exclusivement de notre propre production. Nous transformons nos récoltes sous différentes formes : fleurs, résines, infusions, huiles, cosmétiques et même des produits alimentaires comme des gommes. À chaque fois, notre engagement est d’offrir la meilleure qualité possible.

Ensuite, nous cultivons en bio, comme de nombreux producteurs, mais nous allons encore plus loin dans notre démarche écologique. Nous ne labourons pas nos sols et utilisons uniquement le fumier de nos vaches pour les enrichir. Nous avons aussi recours à la protection biologique intégrée (PBI), qui consiste à favoriser les auxiliaires naturels pour lutter contre les nuisibles. Par exemple, nous utilisons des coccinelles contre les pucerons et des petites mouches pour réguler la population de chenilles, qui peuvent causer d’importants dégâts.

 

Sucreries naturelles avec du CBD en plus

 

D’accord, c’est une agriculture très circulaire, bio.

Voilà, c’est ça, le plus possible intégré, avec le moins d’impact possible sur le milieu. Le but, c’est que si demain tout s’arrête, la nature n’ait pas souffert de notre passage. Parce que le chanvre, c’est une plante très gourmande.

En quatre à cinq mois, il passe d’une graine à une plante de plusieurs mètres. Il a besoin de bien se nourrir. Il est certes très écologique, mais il demande aussi beaucoup. Donc, nous, le but du jeu, c’est d’être le moins impactant possible pour notre environnement.

Et le dernier point, si je peux me permettre, c’est qu’on aime beaucoup parler de ce qu’on fait. On organise des visites à la ferme, on accueille du monde, et on essaie d’avoir une communication transparente, notamment sur Instagram, où on montre beaucoup les coulisses. On ne se cache pas. Certains entretiennent un peu de flou, mais nous, c’est tout l’inverse.

On a même l’habitude de proposer à nos clients pros de venir voir la ferme, de découvrir où pousse leur futur produit, comment il est travaillé, et de comprendre toute son histoire avant qu’il arrive chez eux.

Quels sont les défis quotidiens de la gestion d’une exploitation comme la vôtre ?

Alors, comme toute entreprise, bien sûr qu’il y a des difficultés. Ce n’est pas un long fleuve tranquille.

Le plus gros élément, et c’est propre aux producteurs en général, c’est que notre seul patron, c’est la météo. Et on a un patron un peu imprévisible. Tout ce qu’on fait dépend du climat. Bien sûr, il existe des techniques pour cultiver en indoor et s’affranchir des conditions extérieures, mais nous, on préfère travailler avec les éléments et en tirer le meilleur. Et ça, on ne le maîtrise pas.

L’année 2024, par exemple, a été très humide, ce qui a favorisé le développement de champignons pouvant faire pourrir les fleurs. Le risque, c’est d’avoir de grosses pertes de rendement, et c’est ce qui nous est arrivé. Il faut donc constamment s’adapter.

L’autre difficulté, plus spécifique à l’univers du CBD, c’est la filière et la revente. On dit souvent qu’il est plus facile de produire que de vendre, et c’est vrai. On peut se retrouver avec des productions difficiles à écouler, selon les années et les qualités. Ça a été notre cas, ça peut encore l’être, et c’est le cas de nombreux confrères aussi.

 

Une résine de qualité

 

J’aimerais te poser une question sur ton expérience du marché. Qu’est-ce que tu penses du marché du CBD en France ?

Alors, je trouve qu’il change très vite. Quatre, cinq ans, ce n’est pas grand-chose à l’échelle d’un secteur, mais dans le CBD, c’est déjà beaucoup. On a connu un vrai bouleversement. J’ai envie d’appeler la période 2019-2021 « les années folles » du CBD. Tout bougeait, tout se vendait. Il y avait une forte concurrence européenne, comme aujourd’hui, mais aussi une très grande demande des consommateurs.

Depuis, on assiste à un tassement du marché. Beaucoup d’acteurs ont disparu. Il y a eu une grosse phase de renouvellement des professionnels et une scission très nette. D’un côté, certains misent sur des produits à bas prix ou cherchent des effets marqués, parfois en explorant des zones un peu grises en termes de molécules. De l’autre, on observe un vrai bond en avant en matière de qualité française, avec une clientèle qui recherche davantage des produits premium.

Aujourd’hui, une poignée d’acteurs, producteurs et sélectionneurs, essaient vraiment de se démarquer avec des approches exigeantes. J’espère en faire partie, avec un travail sur la culture et la sélection qui donne naissance à de très beaux produits.

Quels types de produits proposez-vous aux professionnels ? Si vous deviez en retenir trois, les best-sellers de votre production ?

Le premier, notre variété phare depuis le début, c’est la fleur Strawberry. On la cultive chaque année, et elle évolue selon les saisons. On la propose en vrac et en conditionné, notamment pour les bureaux de tabac et certains magasins de cigarettes électroniques. C’est notre référence principale.

Le deuxième, qui sort un peu du cadre des produits pour fumeurs, mais qu’on affectionne particulièrement, ce sont nos gummies. Il y en a énormément sur le marché, mais souvent avec une composition très chimique. Nous, on a voulu faire les choses autrement. Ce sont en réalité de véritables pâtes de fruits, avec un vrai goût naturel. On utilise notamment de la mangue, qui contient du myrcène, un terpène également présent dans le chanvre. L’idée, c’est d’avoir une synergie entre les terpènes du fruit et ceux du chanvre pour renforcer les effets d’entourage, et maximiser l’effet apaisant, relaxant et même antidouleur.

Cela m’a l’air bien bon…

Oui, on en est très contents. Alors, ce n’est peut-être pas le produit le plus évident pour les bureaux de tabac, mais il a trouvé son public, et on y croit beaucoup.

Et un dernier pour la route ?

Oui, et justement, ça rejoint une autre évolution du marché. J’ai envie de citer une résine, parce qu’aujourd’hui, il y a de vrais talents qui émergent dans l’univers du CBD. On voit apparaître ce qu’on appelle des hashmakers, des artisans spécialisés qui transforment le travail du producteur en résine.

Nous, on collabore avec CBD Maker, basé à Perpignan. L’intérêt, c’est qu’on peut sublimer un produit qui est déjà très beau en fleur, mais qui prend une nouvelle dimension sous forme de résine. C’est un format qui parle aux consommateurs habitués à ce type de produit, et qui leur permet de retrouver des goûts et des effets proches de ce qu’ils recherchent habituellement.

J’ai appris que vous passiez très peu par des grossistes finalement. Pourquoi ce choix ?

Alors, très peu, effectivement. Disons que cette année, avec une météo compliquée, nous n’avons pas forcément la quantité nécessaire. C’est donc difficile de répondre aux exigences des grossistes, que ce soit en termes de volume ou de prix. Aujourd’hui, c’est plus un constat qu’une volonté : l’essentiel de nos clients professionnels sont des revendeurs en direct. Il n’y a pas d’intermédiaire entre nous et eux, et donc, pas de multiples interlocuteurs avant que le produit n’arrive au consommateur. Mais encore une fois, ce n’est pas forcément une stratégie définie. C’est avant tout une conséquence des réalités du marché et de notre production.

 

 

Pour revenir à ce que tu disais tout à l’heure, tu parles de transparence. Comment garantis-tu la qualité et la traçabilité des fleurs ?

Alors, déjà, en permettant aux professionnels de venir voir sur place. C’est la meilleure preuve : ils peuvent constater par eux-mêmes que les plantes sont bien là, voir nos séchoirs et tout le processus mis en place.

L’autre élément, qui peut sembler un inconvénient mais qui est en réalité une vraie garantie de traçabilité, c’est notre gestion des stocks. Si une variété est épuisée, elle est terminée jusqu’à la prochaine récolte. On ne va pas aller s’approvisionner ailleurs juste pour éviter une rupture. Ça signifie qu’il faut attendre la saison suivante, et ça prouve bien que ce qu’on vend vient exclusivement de notre production.

Enfin, on tient un cahier de culture détaillé, qu’on met à disposition de nos revendeurs professionnels. Ce document leur permet d’avoir toutes les informations : origine génétique, méthode de culture, analyses de laboratoire… Bref, c’est la carte d’identité complète de la plante, en plus du produit fini.

Un point aussi sur la réglementation : comment percevez-vous l’évolution du cadre légal du CBD en France ?

À titre personnel, on trouve que ça évolue assez lentement. Pendant longtemps, on suivait tout ça de très près, car il y avait sans cesse des changements. Je pense notamment à la période très agitée du 31 décembre 2021, où tout a été redistribué en un instant.

Aujourd’hui, la situation semble plus stable. On a trouvé des façons de travailler et, pour l’instant, ces possibilités ne nous ont pas été retirées. J’espère que ça continuera ainsi et que les choses iront vers un assouplissement plutôt qu’un durcissement. Mais clairement, l’époque où il y avait un bouleversement réglementaire tous les trois mois semble derrière nous.