Francesca Pasquini la députée qui interdit la puff.
Quel a été le déclic, quelle a été votre principale motivation pour proposer l’interdiction des puffs ?
La motivation a été double. La première est environnementale, compte tenu de la présence de batteries en lithium dans les puffs. Elles ne se rechargent pas et finissent à la poubelle. La deuxième concerne la santé des plus jeunes, car la cible marketing est clairement identifiée : le jeune public.
Vous êtes-vous heurtée à des freins ?
Aucun frein. Nous en avons même été étonnés. Quand nous avons déposé cette proposition de loi, nous avons reçu beaucoup de retours politiques de tous bords, nous soutenant. Nous avons obtenu un grand nombre de signatures transpartisanes et il n’y a eu aucune surprise lorsque la loi a été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour un vote. Aurélien Rousseau, ministre de la Santé à l’époque, ainsi qu’Élisabeth Borne, nous ont également apporté leur soutien. Ça a été rapide.
L’objectif est d’encourager les fumeurs à adopter des méthodes plus sûres de sevrage tabagique et de dissuader les non-fumeurs, en particulier les jeunes, n’est-ce pas ?
Nous avons clairement identifié la cible : les jeunes collégiens, qui sont attirés par les parfums aromatisés et les prix attractifs, inférieurs à ceux d’une cigarette classique ou électronique. Nous avons bien compris que la vape est un moyen pour les fumeurs d’entamer un parcours de sevrage, donc nous n’avons pas voulu toucher aux cigarettes électroniques rechargeables. Le but est de retirer des mains des jeunes un produit conçu pour leur plaire.
Certains lobbys ont-ils réagi ?
Ce qui nous a inquiétés, c’est que l’industrie du tabac s’adapte à la loi. Elle a tenté de proposer des formats plus imposants, avec une plus grande quantité de liquide. Après avoir mené des recherches avec l’Alliance contre le tabac, nous avons découvert que ces formats se consommaient en une semaine, devenant ainsi une habitude malsaine. Les jeunes consomment ces produits presque inconsciemment, souvent en regardant des séries, sans réaliser les effets néfastes sur leur santé et sur l’environnement.
Quelles mesures complémentaires envisagez-vous pour lutter contre la consommation de produits de vape chez les jeunes, au-delà de l’interdiction des puffs ?
J’aurais aimé faire davantage, mais je n’ai pas été réélue. Notre objectif était de continuer à travailler sur des projets similaires avec Michel Lauzzana, médecin et député du Lot-et-Garonne. Nous avions dans notre viseur les boules de nicotine. L’imagination de l’industrie du tabac est sans limite et la vigilance est nécessaire pour empêcher certains produits de pénétrer le marché. De plus, à cause des publicités sur les réseaux sociaux faites par des influenceurs, certaines mauvaises habitudes se sont installées chez les jeunes.
Certains critiquent l’interdiction des puffs en avançant que cela pourrait pousser les jeunes à se tourner vers d’autres produits nocifs. Comment répondez-vous à cette inquiétude ?
Non. Ce qui nous dérange, ce sont les tarifs et la présentation presque inoffensive mise en place par le marketing. Nous voulions alerter sur l’utilisation de ces cigarettes dès le collège, car (apparemment) les puffs deviennent ringardes avec l’âge. Nous dénoncions cet effet tremplin dissimulé, qui vise à attirer de nouveaux consommateurs. Nous avons vu des papeteries exposer des puffs dans leurs vitrines à côté de jouets ou de doudous. C’est là le danger : faire passer ces produits pour des articles inoffensifs, moins dangereux que la cigarette, alors qu’ils représentent une première étape. Et d’un point de vue environnemental, c’est catastrophique.
La question environnementale a été centrale dans votre argumentaire contre les puffs. Quelles initiatives proposez-vous pour réduire l’impact écologique des produits de vape existants ?
Dire que c’était central serait exagéré, mais cela allait de pair avec la protection de la santé des plus jeunes. L’utilisation de produits rechargeables est déjà un bon point. Les premiers retours des vape shops, des médias spécialisés et des associations redoutaient un amalgame et craignaient que cette interdiction concerne aussi les produits rechargeables. Nous comprenons l’usage de la vape dans une démarche de sevrage tabagique, mais d’un point de vue environnemental, nous préconisons les produits rechargeables.
Pensez-vous que l’interdiction des puffs en France pourrait avoir un impact sur les réglementations dans d’autres pays européens ?
C’était une initiative française. Nous sommes le seul pays européen à procéder par un vote parlementaire. D’autres pays étaient attentifs à la procédure et attendaient de voir le retour de la Commission européenne. Ils pourraient suivre notre exemple. Par exemple, notre proposition de loi a été citée au Forum mondial contre le cancer à Genève.
Vous avez eu des échos concernant de nouvelles réglementations sur la vape en général qui pourraient impacter le marché ?
Absolument pas. Nous nous sommes concentrés uniquement sur l’interdiction des puffs en France, d’un point de vue légal.
Faites-vous bien la distinction entre la vape et les puffs ?
Oui, totalement. Et cela n’a jamais été un sujet de confusion.