Pouvez-vous présenter Vap’Expert en quelques mots ?
Jean-Philippe Baclet : J’ai fondé Vap’Expert en 2013, après un licenciement. On a ouvert deux magasins la même année, puis l’enseigne s’est développée petit à petit dans la région Rhône-Alpes. Aujourd’hui, nous comptons une dizaine de boutiques, entre Lyon et la frontière suisse. Le développement a vraiment pris une nouvelle dimension à l’arrivée d’Achraf, qui nous a permis de structurer notre croissance.
Achraf Jamal : J’ai commencé chez VAP’EXPERT en tant que barmankeur, ce qui m’a permis de comprendre l’importance du conseil et de l’accompagnement. Grâce à ma complémentarité avec Jean-Phi, je suis devenu directeur des opérations pour VAP’EXPERT France et associé majoritaire gérant de VAP’EXPERT Maroc. Avant cela, j’étais un fumeur régulier—deux paquets par jour—et un très mauvais vapoteur. J’avais mal été conseillé, ce qui m’a empêché de décrocher du tabac. En rejoignant l’équipe, j’ai compris l’importance de la bonne configuration matériel/taux de nicotine. C’est devenu la base de notre concept.
Justement, quel est ce concept ? Qu’est-ce qui différencie Vap’Expert ?
Achraf Jamal : Notre mission, c’est d’aider les gens à arrêter de fumer, et pas seulement de vendre du matériel. Dès le premier contact, on pose beaucoup de questions pour comprendre le profil du client : nombre de cigarettes, fréquence, habitudes…
On adapte les produits, on propose un suivi personnalisé, on garde une traçabilité via notre ERP pour pouvoir faire un point quelques jours plus tard. Cette proximité, ce suivi, c’est notre ADN.
Jean-Philippe Baclet : En boutique, on reste des commerçants bien sûr, mais on veut surtout être utiles.
Certains clients arrêtent complètement la vape, d’autres restent vapoteurs.
Dans tous les cas, ils deviennent nos meilleurs ambassadeurs, parce qu’ils ont vu que ça marche.
Pourquoi avoir choisi d’ouvrir une boutique au Maroc ?
Jean-Philippe Baclet : Le marché français devient de plus en plus complexe. Il y a une vraie perte de visibilité, une réglementation instable, et une concurrence féroce.
On voulait continuer à avancer, à faire vivre l’enseigne, et le Maroc nous a semblé une belle opportunité.
Déjà, la météo est plus agréable (rire), mais surtout, il y a tout à construire en matière de vape.
Là-bas, on trouve des produits de vape partout : dans des kiosques, des supérettes, des magasins non spécialisés… Et principalement des cigarettes électroniques jetables très nicotinées — souvent dosées à 50 mg/ml, ce qui est autorisé au Maroc.
Elles sont abordables et efficaces, mais elles entretiennent une forte dépendance.
Nous, ce qu’on veut, c’est apporter autre chose :
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une vape plus responsable,
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avec un accompagnement,
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un conseil personnalisé,
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et une réduction progressive de la nicotine.
L’idée est de proposer des solutions plus durables, plus adaptées, avec une nicotine base de qualité, moins addictive et mieux maîtrisée.
Achraf Jamal : Le Maroc est un pays en pleine expansion, avec beaucoup d’investissements.
C’est un marché prometteur. Et de par mes origines et nos contacts sur place, on a une vraie compréhension du terrain.
La boutique qu’on a ouverte à Kénitra, par exemple, a été montée en partenariat avec un associé marocain, natif de la région, qui connaît parfaitement le fonctionnement local.
Quel est le profil type du vapoteur marocain aujourd’hui ?
Achraf Jamal : Majoritairement jeune.
On parle d’une clientèle entre 20 et 35 ans, attirée par la tendance plus que par l’idée de sevrage.
Beaucoup vapotent des jetables à 50 mg/ml, avec des goûts sucrés et frais.
Ils n’ont pas toujours conscience de la dépendance induite par ces produits.
Jean-Philippe Baclet : En France, notre clientèle est plus âgée, avec une moyenne autour de 50 ans.
Là-bas, on est encore au tout début du cycle. Il faut faire de la pédagogie, rassurer, expliquer que la vape peut être un outil de sevrage s’il est bien utilisé.
Et surtout, proposer une alternative durable aux jetables.
Quels sont les goûts et préférences qui prédominent aujourd’hui sur le marché marocain et en France ?
Achraf Jamal : On a analysé les ventes récemment, et ce qu’on constate au Maroc, c’est que les liquides frais et très nicotinés dominent le marché.
Les produits sucrés, avec des arômes puissants et souvent de la sucralose, plaisent beaucoup, notamment chez les jeunes vapoteurs qui débutent avec des jetables très chargées en nicotine.
Cela dit, si on regarde nos propres chiffres chez Vap’Expert France, on observe une tendance différente :
Environ 40 % de nos ventes concernent des e-liquides de type blend, c’est-à-dire des saveurs tabac classiques, sans fraîcheur.
Les fruités et les gourmands viennent ensuite, avec une répartition assez équilibrée entre fruités “non frais” et saveurs dessert.
Jean-Philippe Baclet : Chez Vap’Expert, dès le départ, on a toujours encouragé les primo-vapoteurs à commencer avec du classique.
On l’explique simplement :
« Vous fumiez des cigarettes, pas des bonbons à la banane ou des smoothies à la fraise. »
Ce positionnement nous a permis de fidéliser des clients sur des liquides qui les aident réellement à arrêter de fumer.
On essaie de reproduire la même logique au Maroc.
Mais là-bas, le poids des jetables est tel que les palais sont souvent habitués à des goûts très sucrés, très frais, très marqués.
Quand ces consommateurs passent à des systèmes rechargeables, ils trouvent cela plus complexe, surtout s’ils ne sont pas bien conseillés.
Si le taux de nicotine n’est pas adapté, ou si le matériel n’est pas bien choisi, l’expérience peut vite devenir décevante.
Achraf Jamal : Malgré cela, on a été agréablement surpris par les résultats de nos premières semaines à Kénitra.
On a réussi à convertir près de 50 % de nos clients jetables vers des systèmes plus durables — principalement des pods, faciles à utiliser — en leur proposant des e-liquides adaptés, souvent des blends.
Cela prouve que notre méthode de sensibilisation fonctionne aussi bien là-bas qu’en France.
Existe-t-il une production locale d’e-liquides ?
Oui, il existe bien des marques marocaines.
Mais ce qu’on comprend en discutant avec les grossistes et certains fabricants, c’est que la réglementation reste floue, même pour eux.
Cela rend difficile le développement de produits bien encadrés, notamment au niveau de la fabrication des bases (propylène glycol, glycérine végétale) et des arômes.
Résultat : La production locale se concentre sur le prix, avec des liquides souvent très compétitifs, mais à la qualité discutable, aussi bien en termes de rendu aromatique que de composition.
C’est pourquoi nous misons sur des produits traçables et qualitatifs, tout en cherchant à rester accessibles.
On travaille notamment avec plusieurs fabricants en marque blanche, ce qui nous permet d’obtenir de bonnes conditions d’achat, et donc de proposer des tarifs compétitifs sans sacrifier la qualité.
On travaille exclusivement des e-liquides français (99 % des e-liquides sont français).
Les partenariats sont donc faits avec des fabricants français (résidents en France) avant que les produits soient exportés au Maroc.
Vous avez aussi développé un concept de cocktail sur place ?
Contrairement au DIY (Do It Yourself), il s’agit ici de e-liquides “prêt à vaper” qu’on peut mélanger entre eux, et non de concentrés/arômes qu’il faut mélanger avec une base.
En effet, le client peut choisir les saveurs et les mélanger à sa guise, d’où le concept de cocktail “Mix Up”.
L’idée, c’est de permettre au client de composer lui-même son liquide, selon ses goûts :
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plus ou moins sucré,
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plus ou moins frais,
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plus ou moins intense…
Ce format en 30 ml, autorisé au Maroc (contrairement à la France), nous permet d’être flexibles sur l’offre et de proposer une expérience personnalisée.
C’est à la fois attractif pour le consommateur et cohérent avec notre stratégie de positionnement prix.
Et du côté de la réglementation ? Comment évolue le cadre légal ?
Achraf Jamal : Ce qu’on observe, c’est que le gouvernement marocain commence à vraiment s’intéresser à la vape.
La loi de finances de décembre dernier a introduit une taxe spécifique (concernant notamment les jetables, qui commencent à bien inonder le marché),
et un projet visant à limiter la nicotine à 20 mg/ml (au lieu de 50) est actuellement à l’étude.
Cela montre qu’on entre dans une phase de structuration.
Et c’est une bonne chose : cela signifie que la vape est désormais reconnue comme un marché à part entière.
Si on observe l’évolution du Maroc, puis celle du Maghreb ou même des pays africains au sens large, on constate que les changements arrivent, souvent avec quelques années de décalage.
Donc oui, on s’attend à une réglementation plus stricte dans les années à venir :
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encadrement des produits,
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taux de nicotine,
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et meilleure surveillance des pratiques.
C’est justement là que Vap’Expert veut se positionner :
comme un acteur pionnier, qui anticipe les exigences à venir, avec une base solide fondée sur :
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la qualité,
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la transparence,
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et le conseil.
Jean-Philippe Baclet : Je partage totalement cette vision.
Le Maroc est un marché jeune, mais très prometteur.
Et même si aujourd’hui la concurrence fonctionne encore beaucoup sur le prix,
notre concept — fondé sur le conseil, le choix et la qualité — nous permet de construire quelque chose de plus durable.
À terme, on espère que ce modèle s’imposera naturellement.
Comment se positionne Vap’Expert face à la concurrence locale ?
Jean-Philippe Baclet : À Kénitra, il y avait déjà 6 ou 7 boutiques avant nous. Mais le manque de réglementation fait que la concurrence se joue beaucoup sur le prix. Les clients sont dans une logique de négociation constante.
Achraf Jamal : C’est pour ça qu’on se différencie avec notre approche globale :
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qualité des produits,
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traçabilité,
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conseil,
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suivi personnalisé…
On ne vend pas juste des fioles, on vend un accompagnement, une solution. Et on constate que ça parle à une partie croissante du public.
Quel est votre objectif à moyen terme ?
Achraf Jamal : On s’est donné une année pour :
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tester le concept,
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évaluer la réponse du marché,
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voir si l’activité peut être pérennisée et développée.
L’idée, bien sûr, c’est de poursuivre l’aventure et d’ouvrir d’autres boutiques, si l’accueil reste positif.
Jean-Philippe Baclet : On sait faire ce métier.
La vraie question maintenant, c’est de savoir si le public marocain adhère à notre approche.
Pour l’instant, les retours sont encourageants, mais tout reste à construire.
Ce n’est pas un projet qu’on imagine exploser du jour au lendemain.
À l’inverse de la France, où ouvrir une boutique devient aujourd’hui très compliqué et demande beaucoup de temps pour être rentable,
le Maroc offre un terrain plus ouvert, surtout pour une vape “à la française” :
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structurée,
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accompagnée,
-
et pensée comme une véritable alternative au tabac.