Si l’on se fie à son histoire personnelle et à ses aspirations initiales, rien ne prédestinait Jennifer Nègre à rejoindre l’univers de la vape.
« Ni fumeuse, ni vapoteuse *, cette quadra ultra-sportive avait plutôt un faible déclaré pour les arômes des cépages de France. Et plus précisément ceux de la plaine viticole de son Languedoc natal, du côté de Béziers.
« Beaucoup plus jeune, je rêvais effectivement d’avoir mon propre domaine viticole, de créer toute une activité autour de l’œnotourisme, retrace-t-elle. D’ailleurs, j’ai fait mon mémoire d’études en master sur ce sujet-là. Il y avait sûrement une dimension familiale dans cette attirance puisque ma famille possédait quelques hectares de vignes. Donc, c’est un peu cette histoire qui m’a influencée. Et puis, j’ai commencé mes études de marketing, et j’ai eu l’envie d’aller voir ailleurs, de découvrir d’autres domaines… »
Bref, Jennifer Nègre va humer divers parfums au fil d’une carrière qui l’amène à être, aujourd’hui, l’un des visages qui façonne, avec conviction, la philosophie au naturel du Laboratoire Sense, émanation du groupe Phodé. Fondé par un ancien vétérinaire en 1996, ce laboratoire implanté près d’Albi s’est spécialisé dans l’amélioration de la santé et du bien-être grâce aux vertus de certaines odeurs naturelles, avant de s’intéresser en 2013 à la cigarette électronique sous l’impulsion de son directeur général. Quatre ans plus tard, le Groupe Phodé décidait de créer une entreprise à part entière, dédiée au marché des e-liquides : le Laboratoire Sense.
Une entreprise autonome qui continue aujourd’hui de s’appuyer sur l’expertise scientifique et technologique du groupe Phodé. Et s’incarne, côté marketing donc, dans la personne de Jennifer Nègre. Depuis 2022, d’abord comme cheffe de produit, puis responsable marketing, cette récente quadra (42 ans) fait vivre tout le travail que les ingénieurs en science et autres aromaticiens de Sense mettent en flacons au service des vapoteurs.
« Notre fierté chez Sense, c’est d’être des créateurs d’arômes, pas des assembleurs, résume-t-elle d’un trait. Pour cela, nous avons un strict cahier des charges qui nous amène à utiliser le moins d’ingrédients possibles pour garantir la saveur au naturel de nos produits, en nous appuyant aussi sur une équipe complète réglementation, scientifique, commerciale. Et moi, au milieu de tout cela, je suis quelqu’un de passionnée, qui aime créer beaucoup de cohésion autour d’elle, très moteur au sein des équipes pour faire avancer les projets. »
Une philosophie que Jennifer Nègre a forgée progressivement, bien avant d’intégrer le monde de la vape. L’idée du commerce, puis du marketing, germe, elle, sous l’influence de son oncle Laurent, également impliqué dans le secteur viticole. « C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier, m’a donné cette envie de m’engager dans cette voie du commerce », explique-t-elle.
Le goût du marketing
Après un bac, spécialité commerce, obtenu à la fin des années 1990, la jeune Biterroise s’oriente derechef vers un BTS commerce international. Une révélation : « C’est vraiment là que j’ai découvert l’univers du marketing et à partir de ce moment, j’ai tout fait pour continuer mes études dans ce secteur jusqu’à obtenir un master. »
Des études qui la mènent successivement à Narbonne, Bordeaux ou Toulouse, mais aussi bien plus loin à l’heure des premiers stages en Indonésie ou à Majorque. « En Indonésie, j’ai réalisé une étude de marché pour une petite entreprise, retrace-t-elle. Mais, c’est surtout ce qui m’a poussée à vouloir se tourner vers l’international. »
En attendant, elle entre en 2006 – en alternance – dans la carrière chez Labeyrie, industriel de l’agroalimentaire spécialisé dans la transformation du canard et du saumon : « Ma première vraie expérience marketing comme assistante chef de produit en même temps qu’une véritable immersion », rembobine-t-elle aujourd’hui avec le cuir tanné par l’expérience. C’était une bonne entrée en matière puisque les univers culinaire et agro-alimentaire faisaient partie de mes aspirations. Et puis, j’ai toujours aimé les entreprises qui racontent une histoire… »
Maille après maille…
Alors, autant commencer par en raconter une nouvelle en intégrant à partir du début des années 2010 le secteur tex- tile. Au sein de Collégien, créateur de chaussettes, chaussons-chaussettes, collants et accessoires en mailles implanté également dans le Tarn, elle passe plus d’une décennie à faire grandir l’aura de la marque.
Maille après maille : « Avec une petite équipe de trois personnes, on a tout construit de A à Z : le digital, l’ouverture vers l’international, la relation-client, les gammes produits… Mais, j’aimais la force collective qu’on dégageait, le côté moteur qu’elle apportait à la construction de l’entreprise. »
Surtout, au sein de cette entreprise familiale, Jennifer Nègre est au four et au moulin en participant à de « nombreux salons internationaux parce que j’avais aussi la charge du suivi des distributeurs à l’international, tout en continuant l’activité de chef de produit. En parallèle, je développais de nouvelles gammes et j’animais aussi toute la partie digitale de l’entreprise. Tout le domaine du e-commerce qui commençait à vraiment se structurer… »
Mais après douze années déroulées au rythme d’un régime hyperactif, le moteur s’enraye en même temps que la nécessité d’un nouveau souffle se fait sentir. « J’avais besoin de revenir au marketing produit, d’être moins sur l’aspect digital », estime-t-elle rétrospectivement. Bref, il est franchement temps de passer à autre chose.
C’est donc le moment de s’investir dans un nouveau domaine en postulant en 2022 pour rejoindre l’aventure Sense, une vape 100 % française. Un virage qui n’a rien de simple au départ : « Je ne venais pas du tout du monde de la vape et je n’étais pas non plus consommatrice, mais c’est la passion du produit, l’envie d’accompagner cette nouvelle entreprise, qui m’a motivée. Ce qui m’anime également en entrant dans cet univers, c’est de me dire que ce que l’on crée avec nos aromaticiens, va avoir un réel bénéfice pour la santé de nos consommateurs, leur plaisir aussi. Personnellement, il faut que je trouve du sens dans ce que je fais et je trouve que développer un arôme, pour toutes ces raisons et côté créationaussi, a quelque chose de passionnant, de stimulant. Mais derrière, on ne s’imagine pas tout le travail nécessaire : les contrôles qualité effectués à toutes les étapes de fabrication, la vérification très stricte d’absence de substances indésirables dans les émissions de vapeur de nos e-liquides. »
Une entrée dans la vape, avec curiosité et méthode
À Terssac, près d’Albi, siège des laboratoires Sense, Jennifer Nègre s’est en effet très rapidement immergée dans l’univers technique et réglementé de la vape :
« Dans un premier temps, j’ai beaucoup travaillé avec notre chargé des affaires réglementaires pour m’imprégner du milieu. Et puis, j’ai lu tout ce que je pouvais trouver sur ce secteur de la vape, observé, exploré les salons, rencontré les acteurs. L’objectif, c’était de comprendre les besoins et les codes de ce marché si spécifique. »
Quitte à être assez surprise en débarquant sur ses premiers salons : « Ce qui m’a plus marquée au prime abord, c’était le côté très show de ces rendez-vous professionnels, sourit-elle.
Cette façon de procéder sur les stands où chacun cherchait à en faire le plus possible était d’ailleurs un peu à contre-courant de ce que nous sommes chez Sense, où nous défendons des produits naturels, simples. »
Qu’importe les coulisses et l’emballage de présentation, Jennifer Nègre garde son approche méthodique et sensible de son nouvel univers : comprendre les usages, les goûts, les habitudes, pour mieux donner du sens — et du Sense — aux arômes qu’elle défend.
« C’est un marché qui s’est structuré assez lentement. Et, aujourd’hui, il faut être agile, anticiper, saisir les opportunité sau bon moment », estime-t-elle au bout de quasiment quatre ans d’immersion intense.
Encore plus dans un contexte politique mouvant, où de nouvelles contraintes réglementaires imposées au marché de la vape (taxe vapotage, interdiction de la vente en ligne, agrément pour les boutiques) pourraient bouleverser son activité dans les prochaines semaines.
En attendant, Jennifer Nègre continue donc de défendre une ligne claire où naturalité et santé priment avant tout :
« Le marché aime le sucré, les arômes synthétiques, mais nous tenons à rester fidèles à nos convictions de naturalité, que nous pouvons justifier scientifiquement, c’est d’ailleurs pour cela que notre cahier des charges évolue en permanence et que nos équipes qui travaillent sur la réglementation et la qualité sont très en pointe sur les questions de santé. »
Le collectif avant tout
Une éthique qu’elle anime et coordonne en équipe, presque en famille.
« Ma méthode, c’est effectivement d’avoir une attention particulière pour chaque membre de mon équipe, faire preuve d’empathie, d’écoute active, d’éviter le jugement. Valoriser les différences, structurer le travail dans la bienveillance, ce sont les clés de mon action comme manager. »
De quoi revendiquer une culture collaborative, à rebours de la hiérarchie verticale, encore très fréquente dans l’industrie. Avec aussi une pointe d’énergie débordante instillée dans tout ce qu’elle entreprend :
« J’aime prendre le quotidien sur le mode du challenge sans cesse renouvelé, c’est ce qui me motive », dit-elle encore. Une énergie fédératrice qu’elle cultive également dans sa vie personnelle, nourrie par une pratique assidue du sport.
Ancienne gymnaste et manieuse expérimentée du twirling bâton dans sa jeunesse, elle s’est tournée plus tard vers la course à pied, puis le crossfit et plus récemment l’hyrox, un mixte entre la course et différentes pratiques de fitness. « J’y ai découvert le dépassement de soi, l’équilibre personnel », explique-t-elle sobrement.
Elle en a même fait un véritable art de vivre qu’elle aime diffuser autour d’elle : « De temps à autre, je donne quelques conseils à mes collègues sur la nutrition, l’hygiène de vie, la gestion du stress. À force de me voir pratiquer, ça a attisé leur curiosité et moi j’aime naturellement partager mes connaissances. »
Convictions et engagement
Ses combats aussi. Jennifer Nègre revendique en effet un féminisme tranquille, mais ferme.
« Disons que j’ai des convictions très personnelles sur ce sujet puisque j’ai grandi dans un contexte particulier, celui des années 80-90, où à la télévision, par exemple, l’image de la femme, c’était plutôt celle de la playmate du Collaro Show, une femme-objet plutôt qu’une femme qui s’assume, travaille. Je sais que dans le secteur de la vape, il y a quelques années, il y avait encore des shows où les marques utilisaient des femmes un peu dénudées. Mais, ce n’est plus le cas, les mentalités évoluent dans le bon sens. En tout cas, c’est ce que j’ai constaté personnellement, tout au long de mon parcours professionnel. Bon, j’ai parfois eu affaire à des propos plus ou moins déplacés, mais finalement c’est resté extrêmement rare. »
Ce qui ne l’empêche pas d’agir à son échelle : « Je milite, par exemple, pour des avancées comme les congés menstruelsou je relaie des informations en interne sur l’égalité entre les sexes. »
Pour elle, le féminisme est avant tout une affaire de vigilance, d’équité dans les comportements, dans les décisions, dans le respect : « Ce que je veux transmettre à ma fille de douze ans, c’est qu’on peut être ambitieuse sans renoncer à la bienveillance, qu’on peut être féminine sans se plier à des codes imposés, qu’on peut être forte sans être dans la domination. »
Voilà des convictions solidement énoncées qui font aussi toute l’essence de Jennifer Nègre.



