Shop 2030

Derrière les comptoirs familiers des buralistes et des vape shops, une mutation discrète mais profonde est en cours. À l’horizon 2030, ces commerces de proximité ne ressembleront plus à ceux que nous connaissons. Loin d’être figée, la configuration de leurs espaces évolue, dictée par la diversification des produits, l’émergence de nouveaux usages, et la volonté d’offrir une expérience client plus aboutie. Trois professionnels de l’agencement et du mobilier nous livrent leur vision du futur de ces lieux hybrides, à la croisée du commerce de détail, du conseil et du service.

Shop 2030

Pour Éric Martin, gérant d’A2M Diffusion, le paysage des vape shops est encore en mouvement :

« Pour les vape shops, c’est difficile à prévoir, car c’est un univers en perpétuel mouvement, très spécialisé. Je dirais qu’on assiste à une structuration progressive de l’offre. »

Il observe une dynamique de concentration, marquée par des rachats et la création de nouveaux magasins :
« Peut-être que l’avenir sera davantage marqué par des enseignes plus importantes, possédant plusieurs points de vente, plutôt que par des indépendants comme on en voit encore beaucoup. »

Cela entraînerait selon lui une normalisation des codes : charte graphique uniforme, agencements homogènes d’une ville à l’autre, identité de marque forte.

Côté bureaux de tabac, Éric Martin note que la vape s’est solidement installée dans les usages :
« L’offre vape est désormais totalement entrée dans les habitudes. La question de savoir s’il faut vendre des liquides ne se pose plus. »

Une évolution plus lente chez les buralistes les plus anciens, mais aujourd’hui incontournable :
« Maintenant c’est clair : le corner vape dans leur magasin prend de l’ampleur. »

Simon Gandin, chargé d’affaires chez Vienne Agencement, insiste de son côté sur la montée en puissance de l’expérience client. Pour lui, l’avenir du point de vente passe par la mise en scène et l’interaction :

« Les consommateurs veulent pouvoir goûter les produits directement en boutique. Aujourd’hui, on voit déjà des machines, comme le Typhon, qui permettent cela. »

Il décrit un espace vape bien distinct du reste du magasin :

« De plus en plus, on sépare l’espace vape du reste du magasin, avec un pôle spécifique, parfois isolé, où il y a une personne exclusivement dédiée à la vape, un vrai spécialiste qui ne s’occupe que de ça. »

Cette séparation se traduit aussi dans l’implantation physique :
un comptoir indépendant, une caisse dédiée, une logique de corner dans le corner.
Le vape shop dans le bureau de tabac.

Pour résumer, c’est un métier technique avec beaucoup d’acteurs, donc il faut un accueil spécialisé.

Le rôle de l’agencement dans la transformation des points de vente

Le constat est partagé par Sébastien Zacchella, responsable déploiement et travaux chez Promodern. Il reconnaît que l’État tente de maintenir l’activité tabac tout en poussant à la diversification :

« En plus du tabac et de la presse, on retrouve le loto, le PMU, la poste, et de plus en plus de relais colis. »

Cette diversification modèle directement l’agencement intérieur.

« Il est encore incertain si la vape deviendra vraiment le futur dominant du secteur », nuance-t-il, mais une chose est sûre :
« Les multiples activités vont continuer à modeler l’aménagement intérieur. »

La question du tabac, en déclin constant, accélère ce besoin de réinvention :

« On enregistre une vraie baisse du chiffre d’affaires sur ce segment, et c’est un problème majeur pour eux. »

Pour Zacchella, il devient impératif de diversifier, et la vape y trouve naturellement sa place.

Simon Gandin l’illustre très concrètement :

« Les buralistes qui investissent dans la vape réussissent nettement mieux. Certains ont vu leur chiffre d’affaires sur la vape augmenter de 200 à 300 %. »

Un changement qui se lit dans les linéaires :

« Un buraliste qui avait 50 cm de linéaire pour la vape envisage de passer à 1 mètre, voire 2 mètres, et ensuite 3 mètres rapidement si l’investissement est réel. »

Et parfois, les rôles s’inversent :
Il y a aussi des cas où le buraliste situé à côté d’un vape store réalise plus de chiffre d’affaires vape que ce dernier.
Les raisons ? Des horaires plus larges, un conseil client, une offre visible et lisible. Il profite de l’attractivité de son tabac et se spécialise suffisamment pour concurrencer le vape store voisin.

Le mobilier, entre modularité et mise en valeur

Pour accompagner cette évolution, le mobilier joue un rôle fondamental.
Sébastien Zacchella évoque une forte demande pour des vitrines basses, pensées pour la visibilité :
« Présentation des cigarettes électroniques, batteries, résistances, accessoires… »

Il cite un cas précis :

« Un client propose des préparations en gros volume, avec des bouteilles d’un litre. On lui a conçu un présentoir sur-mesure pour ces grandes bouteilles. »

Éric Martin distingue deux grandes logiques :

« D’un côté, des meubles spécifiques, souvent fournis par les marques, avec un design très soigné, marketing, qui rappelle l’univers des pharmacies. »

De l’autre :

« Des meubles modulables et multimarques, plus adaptés à l’arrière-comptoir, là où le buraliste met ses best-sellers. »

Cette modularité est aujourd’hui indispensable : rayonnages ajustables, meubles reconfigurables… Le mobilier doit pouvoir s’adapter à différentes tailles et formats de fioles.
Un beau facing fait vendre. Un agencement clair oriente la décision d’achat.

Chez Vienne Agencement, Simon et Christophe Gallais en font une priorité :

« Pas vraiment de matériaux spécifiques, mais beaucoup de mobilier modulable, adaptable au maximum. »

Avec un accent particulier sur la lumière :

« On travaille beaucoup l’éclairage LED pour bien délimiter la zone vape. »

Cette souplesse permet aussi de réagir rapidement :

« Il faut pouvoir s’adapter aux contraintes d’arrière-boutique, avec des espaces pour charger les produits, faire un roulement efficace. »

Mais attention au chaos :

« Souvent, les fournisseurs installent des produits sans penser à l’ensemble. Résultat : un capharnaüm. Il n’y a plus de lisibilité, plus de cheminement client. »

D’où le rôle central de l’agenceur pour redonner cohérence à l’espace.

L’expérience client avant tout ?

Sébastien Zacchella reste pragmatique : « Le bureau de tabac restera avant tout un lieu de vente. »

Mais il reconnaît que les attentes changent, et que l’organisation spatiale doit s’adapter à ces nouveaux usages :


« Les clients y viennent pour un éventail de services : jeux, poste, colis, cigarette électronique… »

Pour Éric Martin, la distinction est plus nette, surtout côté vape :


« C’est obligatoire. On distingue deux zones : une partie d’auto-formation où le client découvre, et une partie “service” où il peut tester, se faire conseiller. »

Simon Gandin appuie :


« Certains installent déjà des machines pour tester. On parle aussi de bornes. Mais attention, le digital, ça ne fait pas tout. »

Digitalisation : un plus, mais pas une fin en soi

L’intégration d’outils digitaux (écrans, bornes, réalité augmentée) fait son chemin.
Chez Promodern, on travaille déjà avec des partenaires spécialisés :

« C’est un vrai plus pour la pub, les promotions, la dynamique visuelle. »

Mais Sébastien Zacchella reste prudent :

« Trop de digital tue la lisibilité. »

Le conseil humain reste clé :

« Une borne n’explique pas comment amorcer une résistance ou régler un airflow. »
« Et dans ce type de commerce, l’accompagnement fait la différence. »

Les erreurs à éviter

Parmi les faux pas fréquents, Sébastien Zacchella cite le manque de vision d’ensemble :

« Les commerçants ont la tête dans le guidon. À nous de les aider à évoluer, à investir leur fonds de transformation. »

Pour Simon et Christophe (Vienne Agencement), c’est l’équilibre entre les produits qui pose souvent problème :

« Beaucoup de buralistes intègrent le CBD, mais le présentent comme la vape. Ce sont deux univers distincts. Il faut ajuster. »

L’emplacement des produits est également crucial :

« Certains mettent la vape derrière, loin de l’entrée. Alors qu’elle devrait être en frontal, bien visible. »

Recommandations pour les nouveaux venus

Pour un buraliste ou un vape shop qui ouvrirait aujourd’hui, les conseils sont clairs.

Simon Gandin recommande :

« Une double organisation, avec un pôle vape et un pôle CBD bien séparés, idéalement avec leur propre caisse. »

Christophe Gallais, lui, insiste sur la mise en avant des produits :

« Des vitrines en caisse avec éclairage, des gradins pour valoriser les stylos, les briquets de luxe, les appareils. »

Enfin, un point crucial souvent négligé : le conseil technique. Beaucoup de buralistes se concentrent sur le liquide, mais oublient que le client cherche aussi des infos sur le matériel. Il faut former les équipes.

Une tendance lourde : la vape s’impose

« Ceux qui n’ont pas encore pris ce virage vont le regretter », tranche Simon Gandin.
Le marché évolue vite, les consommateurs aussi. Il faut s’adapter, sans tarder.

Pour Sébastien Zacchella, cela passe par un partenariat évolutif :

« On commence à voir deux mètres linéaires vape, avec vitrines dédiées. »

Et surtout : Un agencement lisible, attractif, pensé pour mettre en valeur les produits à forte marge.

Une borne n’explique pas comment amorcer une résistance ou régler un airflow.

Comment valoriser les produits sans…
David Jamard – Directeur du réseau Le Petit Vapoteur et La Petite Manufacture :

« Pour nous, Le Petit Vapoteur, nous imaginons un vape shop de demain, qui sera pensé de manière à toujours mieux accompagner nos clients.
D’ici 2030, un vape shop deviendra un véritable lieu d’échange et de service, avec des espaces pour s’asseoir, discuter, et construire ensemble un parcours d’arrêt du tabac personnalisé.

Le digital sera au cœur de l’expérience : écrans connectés, QR codes pour mieux connaître l’origine des produits ou accéder à des conseils adaptés.

Nos engagements seront davantage mis en valeur, avec :

  • une charte visible en magasin,

  • un mur de recyclage ludique pour mieux comprendre nos actions écoresponsables,

  • et des valeurs clairement exposées.

Le comptoir sera plus ouvert, favorisant ainsi la proximité et un accueil plus chaleureux.

Enfin, les services deviendront encore plus flexibles :

  • suivi du sevrage,

  • accompagnement à la carte,

  • et solutions de paiement simplifiées.

Un vape shop moderne, utile, et plus humain restera avant tout un lieu de vente. »

Le mobilier doit pouvoir s’adapter à différentes tailles et formats de fioles.

Comment valoriser les produits sans enfreindre la loi ?

L’affichage des produits de la vape est strictement encadré, notamment en bureau de tabac.
Ce n’est pas la mission directe des agenceurs, mais ils en tiennent compte dans leur travail.

Les fédérations guident les buralistes à travers des dossiers transmis aux douanes. Chaque produit exposé est réglementé.

Le rôle de l’agenceur, dans ce contexte, est de concevoir un espace qui :

  • respecte les contraintes légales,

  • tout en restant efficace visuellement.

Comme pour le CBD, on ne fait pas n’importe quoi. Il faut que ce soit carré. »